Les premiers cultivateurs l’avaient bien compris : une plante pousse mieux lorsqu’elle est arrosée, raison pour laquelle, depuis l’invention de l’agriculture, l’irrigation fait partie des principales techniques utilisées pour améliorer les rendements. Mais les temps ont changé. Autrefois abondante, la ressource en eau n’est pas épargnée par le dérèglement climatique.
Conséquence des alternances entre sécheresses et fortes pluies, les réserves souterraines diminuent. Le forage, méthode toujours la plus employée pour l’accès individuel à l’eau, démontre un niveau des nappes phréatiques en constante baisse. Les contraintes réglementaires durcissent également le pompage dans les cours d’eau. Prônée par le monde agricole pour stocker l’eau hivernale, la création de retenues déclenche partout des mouvements de contestation. Sur le bassin Aquitaine, près du tiers des projets de retenues d’eau sont actuellement en contentieux judiciaire !
L’irrigation très souvent au cœur des conflits
L’efficience de l’irrigation a pourtant beaucoup progressé. Contrairement aux idées reçues, l’agriculture française est peu consommatrice d’eau : 1 700 m3/ha, contre 4 000 m3/ha en moyenne sur l’ensemble des pays de l’Union européenne (données CGAAER 2017 (1)). « L’agriculture irriguée ne représente qu’une faible part du total des prélèvements […] mais se retrouve très souvent au cœur des conflits », soulignait en juin 2020 un rapport de la mission parlementaire d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau.
En première ligne, les agriculteurs sont donc loin d’être les seuls concernés. Les crispations autour de la ressource hydrique impliquent aussi les industriels ou encore le tourisme, dont l’essor entraîne une demande toujours croissante en eau potable. Ce constat rejoint les dernières avancées du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique dont les conclusions ont été rendues le 1er février 2022.
Des volumes d’eau disponibles en constante diminution
Sans oublier qu’irriguer a aussi un coût, et que, de ce côté, la tendance est plutôt à la hausse. Entre l’électricité, l’amortissement des matériels, leur entretien et les éventuelles redevances, la facture finale peut être salée… Face à ces difficultés, certains agriculteurs s’interrogent aujourd’hui sur la pertinence de faire perdurer l’irrigation dans leur conduite culturale. C’est le cas de Fabrice Thibaudeau, installé sur 275 hectares en Charente-Maritime. L’exploitant s’apprête à faire le choix de s’en passer, confronté à une problématique de disponibilité de la ressource sur son bassin de la Seudre.